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PAN

Knut Hamsun

 

                Le lieutenant Thomas Glahn, héros de ce roman du Norvégien Knut Hamsun, évoque son séjour en compagnie du chien Ésope dans une hutte de chasseur, en lisière de forêt, près des montagnes et des îles de la mer, parmi les oiseaux sauvages, à quelque distance de Sirilund, un village où sèchent les morues, là-haut dans le nord où les jours et les nuits durent des mois et des mois. « Je vivais dans la forêt, raconte-t-il, j'étais le fils de la forêt. »

                Il dit aussi à Edvarda, cette jeune fille dont les yeux brillent quand il lui parle : « Entends-tu comme la forêt est agitée cette nuit ? Cela bouge sans cesse dans les touffes et les grandes feuilles frémissent. » Les faits et les choses les plus anodins prennent un mystérieux relief. Les moindres paroles s'enrichissent de sous-entendus gorgés de désirs et de dérision. Les songeries de la nature prennent chair, pareilles aux brumes qui plus tard tombent en pluie. 

                « Il était minuit. Ésope s'était détaché et chassait pour son propre compte, j'entendais ses aboiements là-haut sur la croupe », lorsque arriva l'inconnue, presque une adolescente. «Que cherchait-elle dans la forêt à la minuit ? Rien, rien ! Peut-être errait-elle par inquiétude, peut-être par plaisir, c'est son affaire. Je pensai : elle a entendu les aboiements d'Ésope et a su que j'étais dans la forêt. »

                Les esprits follets pétilleraient-ils au-dessus du cadavre du vieux Pan ? « D'où viens-tu ? lui demandai-je. — Du moulin, répondit-elle. Mais que pouvait-elle bien avoir fait au moulin si tard dans la nuit ? » Elle vient s'asseoir près de lui, qui l'interroge : « As-tu un amoureux ? Est-ce qu'il t'a jamais embrassée ? — Oui, répondit-elle avec un rire confus. — Combien de fois déjà ? Elle se tait. — Combien de fois ? répétai-je. — Deux fois, dit-elle à mi-voix. Je l'attirai à moi et demandai : — Comment a-t-il fait cela ? A-t-il fait comme cela ? — Oui, murmura-t-elle, frémissante. Quatre heures arrivèrent. »

                Puis il y a Éva, la femme du forgeron, qui s'insinue entre Edvarda et Glahn, et la solitude à laquelle le lieutenant lance des œillades. Il ressemble ici à Nagel, autre personnage de Knut Hamsun, dans Mystères, Nagel qui dit que « le bluff nous tient tous prisonniers », tous... Plusieurs années se sont écoulées depuis ma découverte, au creux d'un vallon boisé, d'une fleur pourpre appelée clandestine. Aujourd'hui, il me faut arpenter l'autre forêt – pas celle du dieu Pan, mais celle où saint Bernard fit ses apprentissages.

 

 

 

 

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