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LES ÉCHAPPÉES BELLES

 

 

 

 

 

 

JEANNE D’ARC

Joseph Delteil

 

                L'été dernier, j'ai voulu aller voir la Tuilerie de Massane, et je l'ai vue. Quelle déception ! Me préparant à admirer les vignes de Joseph Delteil, je découvris la banlieue de Montpellier qui grignotait le panorama en contrebas de la propriété. La Tuilerie, telle une oasis bien enclose, n'a pas su me désaltérer. Les paysages s'envoleraient-ils comme les paroles ? Il nous reste les écrits de Delteil.

                Ainsi, son roman Jeanne d'Arc, qui obtint le prix Femina en 1925 et servit de source d’inspiration au film de Carl-Theodor Dreyer, est un puits de fraîcheur et de truculence, une fontaine grésillante d'inventivité verbale. Lui-même, au tout début de la Deltheillerie, son autobiographie, parle des effets de sa pucelle adorée sur le public mieux que je ne saurais le faire : « Tous les excès de la gloire avec les excès de l'outrage ! Conjointement foudroyée par Paul Souday et Jean Guiraud, défendue par Claudel et Maritain. (…) J'apportais la liberté, disait-on, je passais pour un sauvage, quasi analphabète. (…) Je cassais tous les cadres, social, grammatical. Écrire n'était plus un droit qu'on achète à l'école, mais un pur instinct. (…) Toute une jeunesse ivre de beauté, folle de poésie, s'attroupait autour de moi comme autour de Pharamond. »

                Bigre ! ça vaut le détour. Il nous charme, nous provoque dès sa première phrase, frappée dans l'or des blasons : « Jeanne vint au monde à cheval, sous un chou qui était un chêne. » Innocent peut-être, le père Joseph, mais futé comme pas un. Parce que son histoire de France, mine de rien, il l'a étudiée avant de se lancer corps et âme dans l'aventure : «Cerveau et tripes, dit-il au détour d'une page, l'homme est un. » On voit luire son œil, on entend bruire son sang paysan, quand sans ambages il défend la joie contre la morosité : « Dans tous les domaines, dans les arts comme dans la vie, qu'il s'agisse des fondements de la métaphysique ou des quotidiens ennuis du pot-au-feu, homme, sois gai et hardi ! »

                Au terme de la belle épopée, la foule s'écrie : « Nous sommes tous foutus, nous avons brûlé une sainte ! » Jeanne avait dit au tristement célèbre monseigneur Cauchon : « Évêque, je meurs par vous ! » Elle lui a sans doute pardonné, car les saints pardonnent à leurs tourmenteurs. L'avertissement doit pourtant sonner aux oreilles de ceux qui, dépositaires d'une autorité, voudraient entacher son honneur pour nous empêcher de suivre son étendard semé de lys et de défendre, pour le ciel et la beauté des cieux, les saveurs de notre terroir. Joseph Delteil n'avait rien d'un va-t-en-guerre, bien au contraire, mais je suis sûr, aussi sûr que « le cœur de Jeanne est incombustible », qu'il aurait levé le siège foncier de sa Tuilerie de Massane.

 

 

 

 

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