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LES ÉCHAPPÉES BELLES

 

 

 

 

 

 

BIG SUR ET LES ORANGES DE JÉRÔME BOSCH

Henry Miller

 

                Lire ou relire Henry Miller, ça donne la pêche ! La recette est encore valable, je viens de l'expérimenter. Ces pages relatent sa vie sur la côte de Big Sur, en Californie, dans les années 1940 et 1950. Mine de rien, d'une écriture vive et enthousiaste, à la fois sarcastique et plein d'amour pour ses semblables, sans jamais rien perdre de son caractère enjoué, il aborde avec humour certains thèmes si vastes qu’ils font pétiller nos méninges depuis belle lurette. «Je bénissais les arbres, les oiseaux, les chiens, les chats, je bénissais les fleurs, les grenades, les cactus épineux, je bénissais les hommes et les femmes de toute la terre, de quelque côté de la barricade qu'ils fussent. »

                Il nous parle de ses activités d'écrivain, sans emphase, et de père de famille dépassé par les événements. À ce propos, je vous conseille tout particulièrement les chapitres 3e et 11e au cours desquels nous voyons Henry Miller raconter des histoires à sa fille Valentine et à son fils Tony pendant les dîners, ou jouer avec eux pour les occuper quand il pleut. Il reçoit aussi du courrier à ne plus savoir qu'en faire et discute avec ses rares voisins, il donne des conseils à de jeunes artistes en crise et, semblant « voué aux ratés, névrosés, psychopathes, alcooliques, drogués, vagabonds, excentriques et raseurs de tout poil », il accueille des visiteurs à sa drôle de façon pour mieux s'en dépatouiller.

                Cette bohème n'a rien d'affecté, cette pauvreté n'a rien de volontaire et cette réelle confiance dans la vie n'est point béate. Accordons foi à ce que nous sommes ! N'essayons pas de nous imiter les uns les autres. À chaque tempérament correspond son style. Ne courons pas après celui que nous ne sommes pas et que nous ne rattraperons jamais. Fourbissons modestement nos outils. S'il en jaillit une étincelle ou deux, prenons-les comme un cadeau du ciel. Car le plus grand progrès que nous puissions accomplir, n'est-ce pas de saisir que nos travers ne sont pas des modèles mais que nous devons faire avec, de la même manière que nous nous débrouillons avec ceux des autres ?

                Quand Miller n'écrit pas ou n'est pas aux prises amicales avec un spécimen humain, il se livre à sa « manie de l'aquarelle » et redevient peintre. Alors il se requinque, il file un parfait amour : « Toutes les fois que je m'installe pour peindre, je me sens heureux. » C'est à Big Sur justement qu'il composa son court essai Peindre c'est aimer à nouveau, hélas ! épuisé dans sa traduction française. Empruntez-le, cherchez-le d'occasion, ça vous ravigotera autant que les oranges vitaminées de Jérôme Bosch.

 

 

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