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AVENTURES D’ARTHUR GORDON PYM

Edgar Allan Poe

 

                « Aventures d’Arthur Gordon Pym de Nantucket, contenant les détails d’une révolte et d’un affreux massacre à bord du brick américain le Grampus, faisant route vers les mers du sud, en juin 1827 ; plus, l’histoire de la reprise du navire par les survivants ; leur naufrage et leurs horribles souffrances par suite de la famine ; leur délivrance par la goélette anglaise la Jane Guy ; courte exploration de ce navire dans l’océan antarctique ; prise de la goélette et massacre de l’équipage dans un groupe d’îles au quatre-vingt-quatrième parallèle de latitude sud ; conjointement, les incroyables aventures et découvertes dans l’extrême sud dont ce déplorable désastre a été l’origine.»

                Toute l’histoire est dite dans cette notice d’Edgar Poe en personne, mais, par-delà les péripéties, il n’a pas pu tout en dire en ces quelques lignes alléchantes. Qu’a-t-il dissimulé derrière les allusions géographiques au sud, à l’extrême sud, soulignées d’italiques ? Avant que les océans ne soient parcourus de grands vaisseaux de guerre, de commerce et de loisirs, avant que la justice anglaise n’aille traquer les descendants des révoltés du Bounty sur l’île Pitcairn, refuge autrefois inaccessible, avant que les derniers cachalots ne sachent plus où fuir le harpon, les mers faisaient croire qu’elles gardaient en elles, aux plis de leurs vagues, d’autres Amériques que d’intrépides explorateurs s’ingéniaient à découvrir.

                C’est à bord de tels rêves qu’Edgar Poe embarqua, muni d’une boussole qui indiquait le sud, rien que le sud où son imagination gonflait les voiles. La montée dramatique – laquelle n’a rien de commun avec les techniques actuelles du cinéma et du roman américains, efficaces mais stéréotypées, où même les rebondissements sont convenus – s’apparente à une progressive évasion hors du réel. On y reconnaît la patte de l’auteur des Histoires extraordinaires, son goût pour le fantastique, pour les cryptogrammes et le morbide : « Sur son dos, où une partie de la chemise avait été arrachée et laissait voir le nu, se tenait une mouette énorme, qui se gorgeait activement de l’horrible viande, son bec et ses serres profondément enfouis dans le corps, et son blanc plumage tout éclaboussé de sang. »

                Le rouge de la violence cède la place à la couleur blanche, bientôt omniprésente, énigme vivante, mêlée d’horreur et d’indicible pureté, comme si la lumière venait surexposer la réalité, la perdre dans l’éblouissement, la noyer pour la faire renaître dans la sublimité d’une nouvelle enfance… La suite des aventures d’Arthur Gordon Pym qu’écrivit Jules Verne, le Sphinx des glaces, même conduite de main de maître, déçoit par ses explications pseudo-scientifiques et l’on revient alors au récit d’origine, presque impatient d’atteindre la date du 22 mars 1828.

 

 

 

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