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LES FORÊTS DU MAINE

Henry David Thoreau

 

                Henry David Thoreau, qui vécut au XIXe siècle dans la région de Boston, est l'un de ces auteurs dont la notoriété, trop faible pour que leurs œuvres trouvent un large écho près du grand public et trop réelle et justifiée toutefois pour qu'ils sombrent dans l'oubli, leur permet de resurgir à intervalles dans l'actualité littéraire. Walden ou la Vie dans les bois, la Désobéissance civile, Marcher et d'autres essais, ainsi que des extraits du volumineux Journal ont déjà franchi l'épreuve de la traduction en français. On nous propose ici le beau compte rendu de trois excursions de Thoreau dans les forêts du Maine en 1846, 1853 et 1857.

                Tous ceux qui gardent de leur enfance la nostalgie des mémoires d'explorateurs s'enfonçant en d'épaisses jungles et barbotant dans des marigots, des histoires d'intrépides aventuriers en quête du saint Graal ou, plus simplement, des descriptions des Indiens d'Amérique trouveront à ce livre de nombreux attraits. En effet, bien qu'il ne sacrifie à aucun moment aux artifices romanesques, ni à leurs passions ni à leurs suspenses convenus, il nous séduit et nous entraîne à tourner les pages, comme on avance dans un paysage neuf.

                Après avoir « sauté par-dessus la dernière barrière », Thoreau devient l'explorateur d'une région de lacs, de rivières, de cascades et de forêts, inhabitée, très peu connue – si ce n'est des bûcherons –, et il nous offre le récit d'un voyage au cours duquel il n'était « plus question de s'en prendre aux institutions et à la société ; il fallait se colleter avec la vraie source du mal » dont les mouches, les moustiques et les moucherons n'étaient pas la moindre manifestation. Ce fond d'angoisse se dissipe dans l'essai suivant, comme s'il avait été un passage obligé avant la découverte d'une simplicité et d'une beauté originelles, quasi spirituelles, que Thoreau allait chercher dans la nature. À tel point que les agissements d'un de ses compagnons, qui venait d'abattre un orignal, « m’atteignaient, dit-il, dans l'innocence de mon aventure».

                À cette époque, l'univers des Indiens s'était réduit comme peau de chagrin (la rime est significative). Thoreau fait cependant la connaissance de l'un d'entre eux, Joseph Polis, de la tribu des Penobscot, qui lui servit de guide lors de sa troisième excursion. « J'ai beaucoup à apprendre de l'Indien », écrit-il. Entre la vie du pinson à gorge blanche – « vie merveilleuse que la leur dans ces solitudes, loin des hommes et des élections » – et celle de Joe Polis, la différence est minime pour notre naturaliste qui admire leur parfaite adaptation au milieu sauvage où ils évoluent avec aisance.

                On peut sans doute regretter une traduction un peu raboteuse, trop proche du texte à la syntaxe parfois compliquée qui ne gagne pas à être traduite sans amendements. Mais je ne jetterai pas la pierre, pour la bonne raison que j'ai moi aussi, après d'autres, commis de semblables maladresses en traduisant Walden pour les éditions l'Âge d'homme en 1985. Même si les langueurs de certains paragraphes nuisent à la visualisation des scènes ou à la claire exposition des idées, il reste que les Forêts du Maine nous font partager une expérience encore à notre portée, ici ou là, plus dense et plus authentique que les fantasmes, d'ailleurs désuets, d'un retour à la terre.

 

 

 

 

 

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